« Si la paix s‘installe un jour, elle ne pourra être authentique que si chaque individu fait d‘abord la paix en soi-même, extirpe tout sentiment de haine pour son prochain, pour quelque race ou quelque peuple que ce soit, ou bien domine cette haine et la change en autre chose, peut-être même à la longue en amour – ou est-ce trop demander ? C‘est pourtant la seule solution. »
21 juin 1942
« (…) la sensation très nette (…) que toutes les horreurs et les atrocités qui se produisent ne constituent pas une menace mystérieuse et lointaine, extérieure à nous ; mais qu’elles sont toutes proches de nous, en nous, et qu’elles précèdent de nous, les êtres humains. »
27 février 1942
« Un agent de change (…) : «Nous n’avons plus qu’à prier de toutes nos forces pour que la situation s’améliore tant que nous sommes moralement capable d’accueillir cette amélioration. Quand la haine aura fait de nous des bêtes féroces comme eux, il sera trop tard. »
7 juillet 1942
« L’illustration montre Etty dans quatre attitudes clairement démarquées les unes des autres : (1.) douce et souriante, (2.) en proie aux agressions qui montent en elle, (3.) en uniforme de la Gestapo, (4.) comme juive (détenue) dans un camp de concentration.
C’est une manière pour moi de représenter l’une des convictions fondamentales d’Etty. En effet, selon elle, pour parvenir à la paix, il est absolument indispensable d’admettre que chacun de nous porte en lui, bien qu’à l’état de potentiel en veille, les prédispositions pour le rôle de boucher au même titre que celles pour le rôle de victime. C’est seulement une fois que nous avons fait cet aveu que nous pouvons lutter contre ce processus fatal qui fait que nous nourrissons notre « côté obscur » au moment même où nous montrons du doigt les actes d’autrui. Or, et c’est la conviction d’Etty, une pensée qui schématise le monde selon des critères d’appartenance à des groupes trouble forcément notre capacité à reconnaître cette vérité. Pour Etty, il s’agit de se rendre compte que les étiquettes d’inclusion et d’exclusion constituent des obstacles qui empêchent de saisir les potentialités universelles de toute nature humaine. C’est en ce sens que j’emploie l’image d’Etty, victime du national-socialisme, et portant l’uniforme de la Gestapo : il s’agit de provoquer une sensibilisation au fait que des potentialités contraires peuvent coexister dans une seule et unique personne, ce qui dans une conception schématique des rôles apparaît, à tort, inconcevable. Etty elle-même veille à toujours rester sur ses gardes et sans a priori et ce de manière extrêmement radicale. Elle décrit l’un de ses collègues de l’administration du camp à Westerbork en ces termes : « Il voue à nos persécuteurs une haine que je suppose fondée. Mais lui-même est un bourreau. Il ferait un commandant modèle de camp de concentration. » (Hillesum, p. 731).