Rwanda 1994. Analyse d’un processus génocidaire.
par Yves Ternon
Dans Revues d’Histoire de la Shoah 2009/1 (N°190), pages 15 à 57
Le génocide des Tutsis au Rwanda est le résultat direct d’un processus aujourd’hui disparu qui s’est appliqué inexorablement pendant des décennies. Il trouve son origine dans une vision ethnique de l’histoire rwandaise créée par la colonisation belge et les Pères Blancs. Ignorant l’histoire du royaume du Rwanda et imprégnée de préjugés raciaux, l’administration belge a désigné les Tutsis comme une « race de seigneurs », leur permettant ainsi de diriger le pays par le biais d’une élite.
À la fin des années 1950, alors que l’indépendance du Rwanda était imminente, la Belgique a inversé son discours et a soutenu activement la cause de la « majorité hutue », inaugurant ainsi le cycle de massacres des Tutsis en 1959. Jusqu’en 1967, sous la Première République, 20.000 Tutsis ont été assassinés et 300.000 ont émigré.
En 1973, le Rwanda est devenu un État centralisé à parti unique. Si l’antagonisme ethnique y est moins intense, le gouvernement refuse aux réfugiés le droit au retour. À partir de 1990, dans un contexte de crise économique et politique, la combinaison de plusieurs facteurs a transformé la discrimination ethnique en une menace imminente de génocide. Ces facteurs comprennent l’attaque du FPR le 1er octobre 1990, la diffusion de la haine et de la peur par les médias, le soutien français et l’ingérence de la communauté internationale et enfin, la création en octobre 1993 du Hutu Power – l’organe qui conçoit et planifie le génocide.